"Une chanson de gestes" : voici la définition d'Hermès, donnée un jour par un visiteur invité à découvrir ses ateliers. Elle décrit finement, pour qui la perçoit "de l'intérieur", la ruche bruissante, mystérieusement affairée, qui se cache sous la signature connue.
Véritable pays de la main, insoupçonné dans son étendue et dans la variété de ses activités. Dès lors, Hermès se voit l'un des dépositaires privilégiés d'un patrimoine linguistique original. Mots forgés dans l'atelier, certains termes n'en ayant guère quitté le cercle clos, parfois absents des dictionnaires, d'origine souvent obscure, familiers ou quasi ésotériques, onomatopées aisées à traduire, ou syllabes hermétiques aux néophytes, quelques-uns rares ou même disparus, d'autres de fraîche ou naïve invention, ils composent un vocabulaire à part, savoureux, expressif, que la longue mémoire artisanale a pétri, l'usage patiné, les fantaisies de la transmission orale revisité, thésaurus où butineront les linguistes, les sociologues, les curieux et les poètes.
Pour la première fois, Hermès laisse parler à livre ouvert ces mots de la tribu, choisissant de cueillir cent six verbes, confiés à la plume inventive et inspirée d'Olivier Saillard. D'abat-carrer à visiter, en passant par décreuser, chipoter, bichonner, grattebosser, insculper, liéger, marier, planer, palissonner, putoiser, rétreindre, roulotter ou sabrer, une grande liberté a été donnée à cet amoureux des mots, connaisseur des plis intimes de la mode, de jouer des cocasseries, des correspondances, des glissements de sens, des syllogismes - jusqu'aux non-sens qu'il faut bien pointer (ainsi "doubler" qui signifie tripler pour le maroquinier, ou "frapper", le geste du doreur, dont la main se garde bien de frapper) - par lesquels ces termes nous tendent le miroir d'un monde surprenant.